AU FOND DU JARDIN
Le havre de paix strasbourgeois
Souvent méconnu des Strasbourgeois mais reconnu mondialement, Au Fond du Jardin est le paradis des amoureux de la madeleine. Nous sommes allés à leur rencontre pour en savoir plus sur le succès de ce petit gâteau…

Bienvenue dans un monde féerique
Quand on entre Au fond du jardin, on est soudain coupés du monde. Entre les délicatesses impeccablement décorées et un salon de thé intimiste à l’arrière – le temps semble s’être arrêté – on a l’impression de passer dans une autre dimension. Tous vos sens se décuplent instantanément : l’ouïe se délecte de la symphonie classique qui imprègne le lieu,les odeurs réveillent l’appétit et la gourmandise, on se tarde de pouvoir goûter toutes les douceurs qui sont posées délicatement derrière la vitrine. Laurent et Fred, les créateurs, ont mis toute leur imagination à l’œuvre pour faire de cette vieille maison alsacienne un endroit unique à Strasbourg.
Côté décoration,on bascule dans l’univers victorien où le minimalisme n’a pas sa place.Fred, passionné d’art et de décoration intérieure, a réussi à créer un univers bien à lui, harmonieux, qui traduit sa passion pour la monarchie britannique. Ses inspirations viennent d’Angleterre et de films mythiques, les rideaux ont été chinés dans des boutiques de tissus de luxe, la vaisselle a été choisie avec précision, chaque détail est soigné.
Rencontre avec les propriétaires des lieux
Une fois transporté dans cette ambiance extravagante, nous avons la chance de rencontrer Frédéric Robert, que nous appellerons “Fred”, le chef d’orchestre de ce jardin secret. Avant même de l’avoir écouté parler, on observe et découvre ce personnage que l’on imaginerait bien à l’heure du tea time partager un scone avec le Prince Charles ! Quelle allure ! Petites lunettes rondes précisément ajustées, costume parfaitement taillé, motifs élégants, pantalon à pinces beige coupé au centimètre près, chaussures vernies et vintage.
“Ah, la bougie vient de s’éteindre, il doit être 13 h 15” : ici, tout est millimétré. Fred connaît parfaitement les lieux et tout ce qu’il s’y passe, minute par minute. Quand il parle, on ne l’écoute pas : on voyage,transporté par sa passion, dans ce monde parallèle qu’est le sien. Il nous raconte que l’idée d’ouvrir Au Fond du Jardin lui est venue alors qu’il n’avait que 17 ans (et que ce projet a mis bien des années à voir le jour.)
À l’époque, étudiant à l’école des Beaux- Arts d’Aix en Provence, on lui demande de peindre une pomme dans une couleur qu’il n’imaginait pas. Cette requête l’exaspère, il casse ses crayons et quitte l’école. Il s’enferme ensuite dans une grange, seul, et commence à conceptualiser le projet d’Au fond du jardin. C’est ici qu’il imagine le décor victorien avec des drapés, des sur-drapés, des livres,… il y a peaufiné son univers en s’inspirant des œuvres de Jane Austen ou encore de James Ivory.



Il enchaîne ensuite sur son service militaire pendant 5 ans et c’est à l’aube de ses 22 ans que Fred se lance dans une carrière de décorateur d’intérieur avec du matériel de récupération et crée ce qu’il appellera “l’art décalé”.
En 1999, quand Au fond du jardin ouvre ses portes, Laurent parle même d’un aboutissement, de l’affirmation d’un style qui lui est propre. Il n’aurait d’ailleurs pas été de même sans sa rencontre fortuite avec Laurent Renaud, grand maître de la madeleine qu’il confectionne depuis ses 13 ans.
Deux destinées qui se croisent pour mieux voyager et grandir ensemble. Ils se rencontrent dans le restaurant étoilé d’Olivier Roellinger à Cancale en Bretagne,où Laurent employé en cuisine,ramène à la table de Fred une madeleine et un thé.
Puis, curieux, Laurent s’intéresse aux travaux de Fred en regardant par-dessus son épaule et découvre, éparpillés sur la table, les feuilles de papier canson, le décor, l’histoire des lieux, les futurs goûts proposés, la rose, la fleur d’oranger,le citron et même les matières d’Au fond du jardin!
C’est alors que Laurent murmure délicatement à l’oreille de Fred “saviez-vous que je crée des madeleines avec des croquants d’amandes et de la rose ancienne? Ce serait sublime avec cette histoire que je découvre…”.
Quelques heures plus tard, les deux hommes se retrouvent chez les parents de Laurent et c’est ici que Fred découvre et goûte les fameuses madeleines. On assiste alors à une véritable rencontre artistique entre les deux hommes qui décident de se revoir à Avignon dans la cité de la Barbière,chez Fred, pour commencer à parler de leur projet.
Quelques semaines plus tard, après des heures et des heures de réflexion, d’idées échangées, et un projet naissant, Fred quitte le sud et Laurent quitte l’Angleterre… pour se retrouver à Strasbourg.
Ancrer le projet dans une ville de caractère
C’est tout naturellement qu’ils viennent s’installer à Cronenbourg, chez la mère de Fred. Ils débarquent avec des camions remplis de décoration, d’objets chinés dans des brocantes, et dans la cuisine de Laurent. C’est ainsi que démarre véritablement l’histoire d’Au fond du jardin… Ils rencontrent Émile et Monique Jung au Crocodile avec qui ils concrétisent le projet et c’est au même moment qu’ils dénichent cette sublime maison dans laquelle ils sont installés aujourd’hui.
Créateurs d’un concept hors du temps, les deux hommes sont allés à l’encontre des financiers en choisissant une ruelle non passante alors qu’on leur prédisait que “cela ne marcherait jamais”. Mais ils se fient à leur instinct : leur bijou n’a pas sa place rue des Grandes Arcades. Ils savaient d’ores et déjà qu’ils n’avaient pas besoin d’avoir pignon sur rue pour exister et réussir.Ils voulaient s’écarter du centre-ville, là où la pierre a une âme et une histoire, là où l’on vient délibérément pour s’éloigner de la foule et chercher un havre de paix.
Ce qui marqua le tournant…
Quelques années plus tard, Fred et Laurent confectionnent une madeleine pour un chef d’État français. Et c’est là que tout prend forme et que l’idée des “Madeleines du voyage” voit le jour. Chaque madeleine est une invitation au rêve, chaque assiette est un nouveau voyage. Chacune des créations est une émotion qu’ils veulent faire vivre aux convives. Ce qui les animent c’est une sorte d’émulation créée autour de la réflexion et la réalisation, ils avancent ensemble, inventent et imaginent de nouvelles madeleines, autour d’événements marquants, parfois, comme le tout récent mariage du Prince Harry, par exemple.
Tandis que Fred imagine l’histoire de la madeleine, Laurent s’affaire en cuisine à la recherche des assemblages idéaux. Le canevas est sans cesse démonté et reconstruit. Aujourd’hui, près de 20 ans après l’ouverture, les brunchs sont complets trois mois à l’avance, et les files d’attente dans la boutique ne diminuent pas.
La règle de la maison? Le temps suspendu et décalé
En passant le pas de la porte,on cherche à “oublier l’imperfection,la faiblesse ou encore l’agressivité du monde dans lequel on est entré” nous explique Fred. On va pouvoir refaçonner le monde et se le réapproprier à sa manière. “C’est ce que les gens cherchent ici. Ils cherchent un endroit intime, à l’écart de la foule, une décoration cosy et cocooning”nous explique Fred qui souligne la multitude d’individus qui viennent ici. Ils ne sont ni dans un salon de thé, ni dans un restaurant, mais ils sont dans un cocon.
En s’approchant, on pourrait s’imaginer que c’est un lieu haut de gamme, réservé à une clientèle élitiste, mais Fred précise que tout doit être accessible car selon lui “l’erreur que font beaucoup d’établissements haut de gamme c’est de mettre une barrière”et il explique enthousiasmé qu’il lui arrive même d’aller chercher les curieux à l’extérieur pour les inviter à entrer et leur raconter l’histoire du lieu…Et une fois qu’on fait goûter les passants à cet univers, ils reviennent.
Il va y avoir les clients habitués qui cherchent leurs madeleines chaque semaine, ceux qui ne sont pas sensible à cet univers mais qui viennent quand même parce qu’on les y a envoyés, des moines tibétains, des politiciens, des artistes, mais aussi des collégiens des environs qui viennent acheter une guimauve pour leur amoureuse, ou encore des touristes qui ont entendu parler de cet endroit mythique qui attise leur curiosité.
Et c’est vrai que pendant toute l’interview, c’est un florilège de profils différents qui se sont succédé, tous suspendus aux lèvres de Fred qui raconte à chaque fois, systématiquement, l’histoire de chaque madeleine et de ses thés savoureux. Chaque client a le droit à une histoire différente, à un voyage sur mesure de quelques minutes, un moment unique, un brin d’imaginaire offrant à toutes ces douceurs un destin romanesque.
UN PEU D’HISTOIRE…
Si nous connaissons tous son goût et sa forme, connaissons-nous son histoire ?



La madeleine la plus connue, en forme de coquillage, est appelée “madeleine de Commercy”. Elle porte le nom d’une soubrette, Madeleine Paulmier, qui était au service de la marquise Perrotin de Baumont et qui préparait ce gâteau pour le duc viager Stanislas Leszczynski.
Dès la fin du 19esiècle jusqu’en 1939,les voyageurs passant parCommercy entrainadmiraientlespectacle des vendeuses de madeleinesaux grands paniers d’osier qui étaient l’animation principale dela gare. Chacunec
riant plus fort quel’autre la marque pour laquelle elle vendait ses gourmandises!Endroit unique du réseau ferré français, c’est grâce à cettedouceur que Commercy doit sa réputationaujourd’hui!
Qu’à cela ne tienne, depuis, plusieurs villes se sont empressées de fabriquer leur propre madeleine! On retrouve la madeleine bébé de Saint Yrieix la Preche, de Dax, d’Illiers-Combray, de Liverdun, de Stenay, de Bédarieux, ou encore de Pons.
AU FOND DU JARDIN
6 rue de la Râpe,
67 000 Strasbourg