Le Bunker comestible
Ferme urbaine souterraine
Faire pousser des légumes bio sous terre, en pleine ville et pourquoi pas dans un ancien bunker ? Ça paraît un peu fou, voire carrément utopique. Et pourtant, c’est bien le pari qu’est en train de réussir la start-up Cycloponics avec son “Bunker comestible” à Strasbourg. Il propose aujourd’hui champignons, micro-pousses et endives de qualité sans aucun traitement chimique, livrés directement le matin de la cueillette). Le tout aux portes de la ville, à quelques coups de pédales des consommateurs. Premier projet initié par la start-up en 2015, il sera bientôt suivi par “La Caverne”, 3 500 m² de parking souterrain transformés en ferme urbaine bio dans le 18e arrondissement de Paris. Quand on vous dit que ça marche !

Rendez-vous au 8, rue des Remparts à Strasbourg pour découvrir ce petit monde souterrain et rencontrer Raphaël Maret, agriculteur urbain passionné. C’est dans ce lieu insolite, une ancienne poudrière construite par les Allemands au XVIIIe siècle, que Jean-Noël Gertz développe son premier laboratoire en partenariat avec la ville de Strasbourg, propriétaire des lieux. Le “Bunker comestible” est né.
Sur une surface exploitable de 250 m², la ferme propose des champignons (pleurotes et shitakés), des micro-pousses (moutarde, radis, choux), des endives blanches et violettes. Le choix de cette production répond aux conditions et contraintes du lieu, sans aucun traitement et par une température moyenne. Selon Raphaël, “la parfaite adaptabilité des végétaux à ce milieu permet de réduire au maximum les besoins énergétiques et de produire de façon responsable”. Dans ce sens, la lumière provient de LED basse consommation et la totalité de l’énergie nécessaire est certifiée renouvelable.



Le bunker emploie actuellement deux jeunes agriculteurs, Raphaël Maret et Anne-Laure Labrune, ainsi que des stagiaires qui viennent régulièrement renforcer l’équipe. Point de vue rentabilité, la structure est aujourd’hui à l’équilibre et espère encore se développer, en augmentant par exemple la surface d’exploitation. “Utiliser des structures de plantation verticales nous permettrait d’exploiter toute la hauteur du lieu, on travaille sur le sujet”, explique Raphaël.
Pour ce qui est de la livraison, elle se fait une fois par semaine à bicyclette dans un souci d’écologie et de proximité. Quelque 70 barquettes de micro-pousses et 50 kg de champignons prennent la route pour approvisionner les restaurateurs, marchés ou Associations pour le maintien de l’agriculture paysanne (Amap) de la ville de Strasbourg. Raphaël nous explique : “Ce choix d’un circuit court et d’un mode de transport non polluant est une évidence pour nous, cela nous permet de réduire au maximum notre empreinte, tout en proposant des prix tout à fait corrects pour la qualité des produits.”
Il est également possible de se rendre directement sur place du lundi au vendredi de 9 heures à 15 heures pour acheter ses produits et découvrir ce lieu hors du commun.



Le concept se développe
Seulement quatre mois après la naissance du bunker, Jean-Noël Gertz et Cycloponics remportent un appel d’offres lancé par la ville de Paris pour la réhabilitation d’un parking souterrain de 3 500 m² dans le 18e arrondissement. Leur projet de ferme urbaine, “La Caverne”, bâti sur le modèle du bunker strasbourgeois, a remporté une large adhésion et le projet a vu le jour récemment.
“Le bunker est aujourd’hui un laboratoire pour les futurs projets, on tente de nouveaux types de cultures, on essaie différentes intensités de lumière et différents degrés d’humidité pour exploiter au mieux notre milieu. On tâtonne souvent, mais ces expériences nous permettront d’être plus productifs sur les prochains sites de culture”, explique notre agriculteur. Pour la suite, la start-up ne compte pas s’arrêter là puisqu’un troisième projet est en cours : une ancienne cave bordelaise où les bouteilles laisseront bientôt la place aux champignons et autres jeunes pousses ! D’autres villes comme Grenoble sont également intéressées par le concept qui n’a pas fini de conquérir nos sous-sols.



Un nouveau modèle d’agriculture ?
Depuis plus d’une une dizaine d’années, les projets de fermes urbaines se multiplient, notamment aux États-Unis où des villes comme New York sont très en avance sur le sujet. Cela s’explique par l’évolution démographique et socio-économique des grands centres urbains. De nombreuses villes américaines ont perdu la totalité de leurs magasins ou marchés au profit des immenses centres commerciaux de périphérie. Certaines de ces villes se retrouvaient alors à des dizaines de kilomètres du premier hypermarché.
Il a donc fallu réapprendre à produire localement, en ville, en s’adaptant à l’espace disponible. Les toits plats des immeubles offraient alors une surface libre et parfaitement adaptée au maraîchage. En France, la structure urbaine est très différente. Les toits des bâtiments sont peu adaptés et les terrains autour des villes sont hors de prix. C’est en ce sens que ce “maraîchage cavernicole” ou “agriculture souterraine” répond réellement et concrètement à ces nouvelles problématiques urbaines, en permettant à la fois de consommer sain et local.



Ces lieux souterrains, considérés comme perdus (en tous cas aux yeux des promoteurs), offrent de belles perspectives et pourraient bientôt se voir offrir une nouvelle vie. Bien sûr, on ne peut pas envisager de cultiver toutes sortes de fruits et de légumes car le besoin en énergie est beaucoup trop important et ne s’inscrit plus dans la philosophie d’un tel projet. “On ne peut pas proposer de salades ou d’oignons par exemple, déjà parce que le milieu ne s’y prête pas, on devrait utiliser beaucoup trop d’énergie. De plus, le marché est déjà très concurrentiel sur ces secteurs, ce ne serait pas viable économiquement. Il faut que l’on reste sur un marché de niche, complémentaire de l’offre agricole actuelle”, explique Raphaël.
Gestion intelligente du foncier, positionnement cohérent sur le marché, le Bunker comestible est un bel exemple de solution alternative, qui permet à la fois de produire et de manger sain en ville tout en répondant aux problématiques d’optimisation de l’espace urbain.
CYCLOPONICS
74, rue de la Chapelle
75018 Paris
BUNKER COMESTIBLE
8, rue des Remparts
67000 Strasbourg