FOOD CULTURE AU LAOS
Passion BBQ
Le Laos, ce coin de paradis souvent méconnu de la péninsule indochinoise, coincé entre la Chine, le Vietnam, le Cambodge et la Thaïlande, noue un lien ancestral avec la street food et la cuisine du grill. Ce petit pays tampon a connu bien des invasions au cour de son histoire – chinoises, siamoises, françaises, vietnamiennes – et sa cuisine en porte évidemment les traces, souvent pour le meilleur et parfois pour le pire. Entre traditions et syncrétismes, la cuisine lao est à la fois riche et fine, savoureuse et authentique. Petit retour en images – et en odeurs – sur mon périple gustatif de l’été dernier.

Les pays d’Asie du Sud sont souvent associés à ce qu’on appelle la « food culture », un statut impliquant que la nourriture est bien plus qu’un moyen de subsistance, elle constitue un aspect fondamental de la vie sociale. Il suffit de se promener quelques minutes au Laos, en ville comme à la campagne, pour se rendre compte que ce pays ne déroge pas à la règle : la nourriture est présente partout, food is everywhere !
Les étals des marchés regorgent de fruits juteux et multicolores, les trottoirs sont encombrés de grils mobiles fumants, les bords des routes s’encombrent de petits stands informels proposant bananes, fruits exotiques et grillades en tout genre, dans les villages, chaque maison dispose de sa petite cuisine donnant sur rue, et les jours de fêtes, on n’hésite pas à transporter son gril jusqu’au devant des temples pour pique-niquer en famille et entre amis. Le repas n’a pas d’heure ni de règles, et est toujours un moment d’échanges et de partage. Cette food culture s’inscrit dans l’histoire et les traditions du Laos depuis la nuit des temps.



Classé aujourd’hui par l’ONU parmi les pays les moins avancés (PMA), il fait partie des pays les plus pauvres du monde. Le revenu moyen par habitant est inférieur à 200 € par mois et près de 25 % de la population – qui compte 7 millions d’habitants – vit sous le seuil de pauvreté. Les famines récurrentes qu’a connues le Laos ont aussi donné à la nourriture cette valeur particulière en la plaçant au cœur de la vie sociale. Les deux tiers de la population vivent encore d’une agriculture vivrière et peu mécanisée, et le partage et la vente du petit surplus de production sont devenus des activités naturelles de subsistance. Ici tout se mange, rien ne se perd, et surtout, tout se grille !
La passion du gril
Au Laos, comme dans de nombreux pays pauvres, on accorde une importance très forte à la cuisine au gril. D’abord pour des raisons pratiques, beaucoup de foyers ne sont toujours pas pourvus en électricité courante et celle-ci se paye cher. Il y a aussi des raisons assez évidentes d’hygiène alimentaire, le feu permet d’éliminer des aliments les bactéries et vers – bon appétit –, car, sans électricité, on n’a pas non plus de réfrigérateur.
Enfin, et c’est l’essentiel ici, c’est surtout par goût et tradition que l’on utilise ce moyen de cuisson qui permet aussi bien de faire rôtir toutes sortes de viandes, marinées ou non, légumes et fruits. On y cuit également le riz, base de la cuisine lao, grâce à un système de panier vapeur, et on y boue l’eau pour les soupes et bouillons. Ainsi, le grill est un ustencile indispensable au centre du foyer et qui rythme la vie des habitants.



Et sinon, il y a quoi au menu ?
La nourriture lao est le fruit d’un véritable syncrétisme entre les cuisines tahïlandaises, chinoises et vietnamiennes. Elle se caractérise par l’utilisation abondante de piment et d’herbes aromatiques fraîches issues de la pharmacopée traditionnelle. Le riz gluant et collant (khao niao ou sticky rice) est à la base de l’alimentation et accompagne presque tous les repas. Il est généralement servi dans un grand panier commun posé au centre de la table. Un « vrai » Laotien se sert et le mange avec les doigts.
Pour le reste, il suffit de se rendre au marché pour réaliser l’infinie variété de produits qui impactent l’alimentation. La viande est présente dans la très grande partie des plats traditionnels, les Laotiens en mangent d’ailleurs de plus en plus, mais le poisson d’eau douce conserve sa part ancestrale – le pays n’a pas d’accès à la mer. Porc, poulet, bœuf et poisson chat sont donc les mets les plus courants.



Cependant, quelques bizarreries peuvent aussi déconcerter le visiteur, surtout dans les campagnes reculées encore marquées par des périodes de disettes. Chauve-souris, écureuils, civettes, serpents, varans, rats des bambous et des rizières (pas ceux des villes), cigales et sauterelles, ou encore porc-épic se retrouvent assez fréquemment sur les grils, la population des villages vivant toujours de chasse, de pêche ou de cueillette.
La saucisse occupe également une très grande place dans l’alimentation traditionnelle. Pratique, elle permet d’utiliser toutes les parties moins nobles de la viande et de ne rien jeter. Dans la ville de Luang Prabang, il est même coutume d’offrir une saucisse de porc lorsqu’on est invité chez des amis. Par ailleurs, comme rien ne se perd, on met aussi sur le grill les pattes, les abats, le cœur, et parfois les têtes des animaux. Une simple balade dans les rues se transforme alors en un festival d’odeur, de formes et de couleurs, tantôt réjouissant, tantôt décontenançant, mais toujours saisissant.



Dans la cuisine traditionnelle, on accompagne le tout de sauces et marinades épicées, de lait de coco, parfois de fruits frais ou grillés. Les currys vert et rouge comme en Thaïlande ont la part belle, et la cuisson du poisson et de la viande dans une feuille de bananier comme au Cambodge est très populaire. Les soupes et bouillons apparentés aux phó vietnamiens sont également très appréciés, notamment à l’heure du petit-déjeuner. On y plonge des nouilles de riz, quelques morceaux de piments, de petits bouts de viande, des herbes et des épices.
Mais le plat incontournable au Laos, c’est le laap, une salade traditionnelle composée de viande ou de poisson hâché cuit, assaisonné de citron vert, sauce au poisson fermenté et de piment et accompagné de petits pois, de chou ou de concombre selon les saisons. Un régal pour les yeux et les papilles, on a trouvé ça délicieux, très frais en bouche et rassasiant. Enfin, on peut ajouter que la baguette française est toujours très appréciée par la population, et sa confection s’est maintenue même après la décolonisation. On l’arrose souvent de lait concentré sucré pour accompagner le café, une autre spécialité du pays.
Quant aux desserts, on n’en consomme pas ou peu, si ce n’est des fruits frais. Mais les petits encas sucrés existent bien, comme le khao tom, un riz gluant aux fruits ou à la patate douce servi dans des feuilles de bananier ou parfois grillé, les crêpes à la banane et au lait sucré ou encore celles au lait de coco que l’on trouve dans les ruelles de Luang Prabang et qui ressemblent plutôt à de petits pancakes. On accompagne le tout d’un shooter de lao lao whisky, le schnaps local à base de riz, et le tour est joué. On avoue avoir sélectionné nos mets, pour des questions d’hygiène notamment. Le touriste doit rester prudent, mais on s’est vraiment régalés.



Petit lexique des plats emblématiques :
- Khao niao : Riz gluant cuit à la vapeur et servi dans des paniers en bambou.
- Laap : Salade de viande ou de poisson haché, c’est le plat traditionel par excellence.
- Tam mak huong : Salade de papaye verte équivalente à celles que l’on trouve en Thaïlande.
- Mok : Poisson ou viande hâchés et cuits à la vapeur dans une feuille de banier.
- Sai oua : Saucisse de porc, spécialité de la ville de Luang Prabang.
- Or Lam : Ragoût de couenne de porc, poule sauvage, aubergines et champignons gluants.
- Som mou/Som pa : porc ou poisson crus et marinés dans du vinaigre ou du piment.
- Khao poun : Soupe de nouilles de riz au lait de coco épicé, soja et feuilles de menthe.
- Tom yam : Soupe d’origine thaïlandaise à base de lait de coco, de viande, de poisson, de feuilles de citronnelle et de coriandre
- Phó : Prononcez « feu ». Soupe d’origine vietnamienne composée de nouilles et de viande, en lamelles ou en boulettes, et agrémentée de piment et d’herbes fraîches.
- Khao tom : Riz gluant à la banane, à la mangue ou à la patate douce.
- Nam Van : Mélange de fruits, haricots rouges ou patate douce noyés dans du lait de coco sucré. Parfois agrémenté de tapioca.
- Roti : Crêpe indienne aux œufs, fourrée à la banane et arrosée de lait concentré sucré.