NICOLAS DIPOL
Interview sur le grill
Et pourquoi pas cuisiner parallèlement dans ses deux restaurants ? C’est le défi fou que le jeune trentenaire, Nicolas Dipol, s’est lancé avec l’ouverture du “Bistrot Coco” et du “Bastardo”. Nous avons décidé de vivre un service complet à ses côtés pour découvrir son quotidien et son monde. Pour lire cette interview comme si vous étiez en cuisine avec Nicolas, lancez “Juicy” de Notorious Big et accrochez-vous à vos cuillères en bois, c’est parti pour le début du coup de feu.

Street Bouche : Bonjour Nicolas et merci de nous accueillir dans la cuisine du Bastardo ! Aujourd’hui, tu as prévu de nous donner faim pendant cette interview. Que vas-tu cuisiner ?
Nicolas Dipol : On va commencer par un plat haut en couleurs et en saveurs : le poulpe! J’adore cuisiner ce plat et surtout le dresser, c’est magnifique! En plus, mon maraîcher vient de me rapporter les petites fleurs de bourrache bleues qui rendront cette assiette encore plus belle ! Ensuite, on ira au Bistrot Coco et je vous cuisinerai notre hit du moment : le burger façon Rossini avec une tranche de foie gras poêlé et des noix de Saint-Jacques…
SB : Deux salles pleines et deux restaurants aux antipodes en terme de cartes. Comment fais-tu pour être sur tous les fronts simultanément ?
ND : Je ne sais pas, ça ne s’explique pas !Je suis un chef d’orchestre qui passe d’un ensemble musical à un autre ! Mon quotidien, c’est de faire rouler ces affaires et d’apporter mon soutien aux équipes. Je suis à la base de tout, je connais parfaitement les cartes,les recettes,et le fonctionnement des salles. L’idée, c’est que mes équipes puissent s’appuyer sur moi pour gérer un service dans le rush ou un coup dur en cuisine. Pour eux, c’est également une grande considération et une motivation supplémentaires.
BASTARDO BISTROT COCO
SB : Tu as des équipes très souriantes et positives ! Quelle est ta relation avec ton personnel ?
ND : Il y a une vraie relation de confiance. Je leur rappelle souvent que nous sommes une petite famille avec qui on passe le plus clair de son temps… et même plus de temps qu’avec l’ensemble de ses proches réunis… Il y a une sincère entente entre le personnel en salle et celui en cuisine. J’ai volontairement laissé les cuisines ouvertes dans les deux affaires pour que tout le monde soit au même niveau visuel, c’est important. Cela leur permet de bénéficier d’une communication beaucoup plus efficiente.
Pour favoriser l’investissement, à chaque renouvellement de carte, je m’installe avec mon staff pour échanger et nous composons ensemble, comme une équipe sportive qui élabore sa stratégie et sa tactique. Ce contact humain est indispensable pour moi, ça fait partie de mes valeurs.
SB : Quelles saveurs retrouve-t-on dans tes cuisines ?
ND : On ne vit pas la même chose dans les deux restaurants. J’ai créé le Bistrot Coco dans le but de proposer une cuisine bistronomique 2.0 ! L’idée, c’est d’être audacieux et inventif dans l’élaboration des recettes et de créer des tableaux gustatifs avec des ingrédients qu’on n’aurait pas imaginé cuisiner ensemble. On est en constante réflexion pour faire évoluer la carte, apporter de l’audace, de l’exceptionnel tout en restant focus sur les produits de saison et le positionnement du restaurant.
Au Bastardo, on mange de la cuisine italienne : savoureuse et généreuse. On retrouve des pâtes, des viandes en sauce, des arancini, ou encore du poulpe! J’ai choisi de faire sans la pizza car la cuisine italienne, ce n’est pas que ça… je travaille beaucoup avec les légumes de Jean-Marc Steinmetz, exploitant agricole mais également maire de Wittersheim, et également une sélection de produits importés directement d’Italie. C’est très important pour moi d’utiliser des ingrédients nobles et de qualité. C’est ce qui fait toute la différence, autant dans l’assiette qu’en bouche.



SB : Côté fréquentation, que peux-tu dire?
ND : Ce que j’aime par-dessus tout, autant au Bistrot Coco qu’au Bastardo, c’est que sur chaque service, 60 % des clients font partie des habitués. C’est ce qui fait la force des deux affaires. Ça fait vraiment partie de mes objectifs : continuer à séduire les habitués en garantissant une justesse dans les plats, une régularité dans la qualité du service, mais également de la nouveauté et de la surprise dans les cartes qui changent en moyenne tous les mois.
SB : Tu modifies tes cartes tous les mois… est-ce que tu y apportes de grands changements ?
ND : Ça dépend… globalement, j’essaie de rester fidèle à la carte de base. L’idée, c’est de travailler les produits de saison et de renouveler certains plats tout en essayant de toujours garder les classiques. Au Bastardo, on a récemment pris la décision d’enlever la scarpetta présentée comme “l’enfant bâtard de la pizza et de la foccacia” à déguster seul ou à partager, pour se concentrer sur des plats plus travaillés et moins conventionnels comme le poulpe ou encore des arancini revisités.
Au Bistrot Coco, on a décidé de faire évoluer la carte blanche, un menu entièrement imaginé par le chef au moment de la venue du client, en cassant les codes. L’idée est de bousculer le client dans ses habitudes de consommation. En parallèle, on a aussi choisi de rajouter, en plus de l’accord “mets et vin”, un accord plus surprenant et estival avec des cocktails. En avant l’été !
SB : Ton plat préféré ?
ND : Un bon gros burger ! Mais il faut qu’il y ait plein de fromage qui dégouline de partout!
SB : La meilleure expérience culinaire que tu aies eue ?
ND : Ah oui, je m’en rappelle très bien ! C’était au restaurant Saturne à Paris, j’ai mangé un sashimi cuisiné avec des graines de sarrasin, de l’huile de bergamote, et du bouillon d’escabèche… c’était fort en goût mais frais et léger en même temps! Magnifique!
SB : Ton plat Madeleine de Proust ?
ND : La tarte à la rhubarbe assurément, j’en ai mangé toute mon enfance !
SB : Ton restaurant préféré ?
ND : Tu ne risques pas de connaître… “Alcochetano” c’est une petite bourgade à Alcochete, un village de pêcheurs chez ma mère, à côté de Lisbonne… On y mange les meilleurs coquillages et crevettes au monde, parole de chef !
SB : La ville de la street food par excellence ?
ND : Mmmmhh, j’hésite entre Londres et New-York ! À Londres, il y a une rue dont je ne me rappelle plus le nom, située entre Leicester Square et Piccadilly Circus où tu peux acheter des parts de pizza à 500 grammes l’unité ! J’ai pris 10 kilogrammes en vivant là-bas ! Je m’en rappelle bien parce que c’est le chemin que j’empruntais à chaque fin de journée, quand je rentrais de mon poste de chef de partie chez Robuchon, où je suis resté une petite année…
BISTROT COCO
8 rue de l’Écurie
67000 Strasbourg
BASTARDO
17 rue des Tonneliers
67000 Strasbourg